J-133

29 janvier 2008

8h25 : train, arrivée à la défense. Enrhumée, nez bouché, fatiguée, yeux gonflés. Glamourous. T et moi, debriefant de la journée de la veille puis :
Moi à T : "dis donc, c'est quoi ces plaques rouges? Coup de stress?
T : Ben ouais t'as vu? ché pas ce qui se passe!
Moi à T : T'es pas enceinte par hasard?
T : Ben si, justement j'attendais qu'on soit descendues du train pour te l'annoncer."

Pause.
T. Ma cops de boulot avec qui j'échange TOUS les jours. Que je connais depuis 4 ans. Depuis qu'elle a rencontré son mari. MA COPS. Enceinte. Maman.
1er upercute.

8h35 : ouverture de ma boîte de réception.
Mail de ma copine A. M'annonçant le décès de son père. Un mail, parmi les mails pros inintéressants. Le mail. Les larmes qui montent. Son papa qui lutte contre le cancer depuis des mois. Nos conversations sur msn. Mon soutien. Son courage.
Tout d'un coup on devient grand et adulte. Appeler pour dire que je suis là. Proposer de venir aux obsèques. Être déstabilisée par ses larmes et ses rires. Appeler F. pour lui annoncer et lui dire qu'on ira tous les deux aux obsèques. Juste tous les deux. Les autres ne sont pas au courant.
Devenir adulte, présenter ses condoléances. Se dire que trouver les mots, c'est tellement difficile. Être maladroite. Mais être là. Poser sa demi-journée. Penser à A. Penser à mon papounet. Être une grande fille.

2ème upercute.

18h45 : Réunions après réunions, coups bas après coups bas, allumer son portable et y découvrir une proposition d'apéro d'ex-collègue. Le rappeler en lui disant que les autres sont partis. Penser que du coup il va annuler. Et entendre qu'il est ok pour un verre tous les deux.
Parler des projets en cours. L'interroger sur l'avenir.
Ex-collègue : "D'ici un an on partira de Paris.
Moi : ah bon? Ta femme serait pas enceinte???"
Le voir sourire. Ne pas comprendre tout de suite. "Je ne l'ai dit à personne. Si. D'une semaine. Tu es la première à le savoir".

Mettre en route la spirale des mots, des félicitations, des yeux qui brillent, des questions, du bonheur de l'autre.

3ème upercute.

Ces trois annonces renvoient à sa propre vie, à la mort de ses parents, à sa propre mort et à sa non-maternité. Se réjouir pour les autres. Tout le temps. Faire semblant un peu, mais être heureuse au fond un peu. Malgré tout. Avancer à l'aveugle. Avoir peur de l'avenir.

J'aurais payé très très cher pour serrer quelqu'un dans mes bras ce soir : "Chuuuut... Ne t'en fais pas. Je suis là."